André
CLAUS, de Saint-Ghislain (B.).
«La
perfection classique des constructions poétiques n'étouffe
jamais son romantisme»
U
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n jour, ses yeux n'ont plus distingué que des ombres.
Mais, de sa mise à la retraite prématurée de la SNCB,
André Claus ne tirera aucune amertume. Adieux sans
regrets à l'Atelier de traction diesel de
Saint-Ghislain. Malgré un travail accompli
impeccablement, et des employés qui regretteront ce
chef qui avait du cœur… |
Nous
sommes en 1975. Pour habiter son temps libre, André Claus
reprend un dialogue interrompu à la fin de l'adolescence. Il se
remet à tutoyer les mots. Et s'immerge avec jubilation dans les
arcanes de la prosodie. Jongle avec les pieds. Fignole
alexandrins, quatrains et sonnets. Ce "très
malvoyant", comme il se qualifie lui-même, reçois en
outre l'appui de l'asbl "Les Amis des Aveugles de Ghlin".
En trois semaines, il apprend le braille et retrouve le chemin
de la bibliothèque. Du bout des doigts, il aiguise sa mémoire
"visuelle" et mémorise plus encore les subtilités
ortho-graphiques de la langue de Molière.
Son
goût pour la poésie romantique et classique lui revient
intact. Hugo, Musset, Ronsard, du Bellay, Lamartine, Claudel,…
cette fois, c'est son tour de polir les strophes comme on
fignole un bijou difficile. Ses lecteurs occasionnels s'émerveillent
et se récrient ; l'encouragent à participer à des concours de
poésie. Bien que retranché derrière sa modestie naturelle,
André Claus accepte. Ce perpétuel premier de classe possède
la bravoure des timides et ne dédaigne pas, à ses heures, la
compétition. Depuis l'enfance, il a l'habitude de se battre.
Ses parents – des Flamands frontaliers durs à la tâche -
exigent-ils qu'il entretienne le jardin, soigne les
animaux tout en caracolant en tête de classe ? Soit. Mais
alors, il utilisera sans vergogne son arme secrète. Et s'évadera
en se glissant dans la peau de ses héros favoris. "Le
travail devenait loisir. C'est bien là le secret".
Haute
enfance, toujours vivante qui, comme le vent dans les blés,
fait ondoyer la mémoire aiguë de cet octogénaire. André
Claus y puise son inspiration et nous convie "aux
agapes de roi des années immatures".
La nature, le quotidien, le respect des "travaux ennuyeux
et faciles"? "Vivre
jour après jour est peut-être artifice, mais le bonheur
engrangé reste pris pour longtemps".
Et les poèmes d'André peuvent être lus de 7 à 77 ans.
Au-delà
de la rigueur de cet architecte des mots, qui ordonnance un
vocabulaire foisonnant, séduit les experts du genre. Bien malin
le censeur qui parviendra à dénicher une faute de style ou
d'orthographe parmi ces alexandrins subtils.
Résultat,
une Kyrielle de prix, collectionnés avec une régularité
d'horloge depuis 1984. Le dernier en date lui a été décerné
par l'Académie européenne
des Arts.
Une médaille d'or internationale pour son "Recueil".
À
présent, André Claus estime avoir "tout dit" en matière
de poésie. "Faisceaux de lumière", son dernier
ouvrage, reprend l'intégralité de son œuvre, y compris des
textes écrits en 1938 et 1939, avant que la guerre n'éclate,
ainsi que des poèmes en langue dialectale. D'authentiques
morceaux de Picardie qui valurent, cette fois encore à
l'auteur, leur pesant de distinctions.
Aujourd'hui,
son histoire d'amour avec les mots n'est pas finie pour autant.
Pour la première fois, André Claus travaille à un roman. Qui
lui aussi s'abreuve directement aux sources enfantines et qui
met à nouveau en scène ce petit Flamand qui ne commença à
parler le français – mais lequel ! - qu'à l'age de six ans.
Pudique,
André Claus ne s'épanche guère sur sa mal voyance, même
qu'il regrette "la prunelle féline" de ses vingt ans.
Même s'il déplore d'avoir trop longtemps fixé un soleil dont
le disque éclipse pour toujours sa rétine…
Martine Pauwels
«Faisceaux de lumière»,
recueil de poésie par A.
Claus.

Le poète André
CLAUS
Celui qui voit avec le cœur
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